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Ce rugby qui tue

Par Léo Faure
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Publié le Mis à jour
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C’était le discours, trop longtemps. « Si on continue, un jour, nous aurons un mort sur un terrain. » C’était le père fouettard que l’on raconte aux enfants, pour mieux marquer la ligne rouge à ne pas franchir. Une promesse du pire, comme une chimère du malin qui doit vous maintenir du bon côté de la force. « Si on continue, un jour, nous aurons un mort sur un terrain. » Ça faisait peur mais personne n’y croyait vraiment.

Depuis sept mois, le rugby français compte trois morts. Trois mômes, « moins de 60 ans à eux trois » comme le rappelle le professeur Jean Chazal dans les lignes qui suivent. Une tribune qu’il n’aurait pas voulu écrire et que nous n’aurions pas voulu lire.

On se prend de nausées, pourtant, de reproduire les mêmes pages, les mêmes oraisons et les mêmes constats de gravité qu’il y a quatre mois, lors de la disparition à Aurillac du jeune Louis Fajfrowski. Ce rugby va mal. Il se vide de sa culture, de ses supporters, de sa passion simple et fraternelle. Il envoie désormais des gamins survitaminés se faire pulvériser par trois fois plus grand qu’eux. Que le rugby soit un sport de combat est une évidence. Du côté des instances, on assume même l’idée de sport à risques. C’est un minimum. Le risque est désormais létal.

Que fait-on pour inverser la tendance ? Pas grand-chose. Quelques mesures pour les écoles de rugby, pour limiter le défi physique chez les jeunes. Mais de la communication, surtout. Des tweets, pour déplorer l’horreur et accompagner la famille dans ces moments de douleur. Façade indispensable mais inutile. La vérité, c’est que le rugby se cache. Quand un joueur parle publiquement de ses commotions à répétition, son club le convoque pour le rappeler à l’ordre. Quand un international affirme avoir craint de mourir sur un terrain, les costumes-pintades de la fédération lui tombent dessus aussitôt. 

La pratique est ridicule. Pour endiguer la baisse du nombre de licenciés, la stratégie institutionnelle est de parler le moins possible de la violence de son sport, plutôt que de la traiter. On tait le problème, plutôt que de le résoudre. Incompétence, vous dites ? Il y a de ça. 

Cette révolution nécessaire, c’est aux joueurs de la porter. Longtemps, ils ont été les pions d’un grand spectacle dont il ne comprenait pas tout ce qui se jouait, en coulisses. Les joueurs, pourtant, sont au centre de tout. Pour que les choses bougent réellement, en profondeur, il faudra qu’ils se mobilisent en grands garçons, pas seulement en salariés mutiques d’un grand théâtre de massacre. Il en va de leur survie et de celle de leur sport. Parce qu’il tue désormais, le rugby se meurt.

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