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Facteur X, Série B

Par Arnaud Beurdeley
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Teddy Thomas, capable du meilleur en première mi-temps sur le plan offensif, a dévoilé en seconde période sa face la plus sombre, perdu qu’il fut dans la stratégie défensive. Explications.

Parmi les jeunes joueurs qui composent le XV de France, Teddy Thomas (24 ans) est sans doute le plus talentueux, le plus irrésistible. Celui qui représente la plus lourde menace pour un adversaire, qu’il porte une tunique noire ou une autre. L’ailier du Racing92 est le facteur X des Bleus, jusqu’à justifier sa filiation biarrote avec Serge Blanco. Comme l’ancien arrière légendaire, il débloque les situations, même les plus cadenassées. Samedi, c’est à l’issue de l’une de ses chevauchées que Rémy Grosso a inscrit l’unique essai des Bleus (7e). Son slalom au milieu de plusieurs défenseurs néo-zélandais a soulevé un léger râle d’admiration de la part des spectateurs de l’Eden Park, probablement un des publics les mieux habitués en matière de beau jeu. Et s’il s’est bien offert un second raid en solitaire en toute de fin de match, Thomas s’est dit « frustré », évidemment par la gifle cinglante reçue par les Blacks, mais aussi de ne pas avoir pu toucher plus de ballons.

Le problème avec les joueurs talentueux, c’est qu’on en attend monts et merveilles. Toujours. Et sans aucune mansuétude. Ses appuis et ses crochets, susceptibles de semer les trackers les plus perfectionnés, font fantasmer. En milieu de saison, son entraîneur au Racing 92 Laurent Labit s’était étonné de la sévérité avec laquelle son joueur était jugé et critiqué. Seulement, Teddy Thomas est de la race des plus grands attaquants, de ceux qui n’ont pas le droit de décevoir. Sa petite réputation a même traversé les océans, jusqu’à attiser la curiosité des supporters kiwis. Veille de match, sur le Warf d’Auckland, un quinquagénaire, chemise noire collée à son corps arrondi et pinte de Steinlager dans la main droite, apostrophe le « Frenchie » qui passe, pour savoir si Teddy Thomas est bien la nouvelle star du rugby français. Pour tout dire, on n’a pas su quoi répondre, les avis divergent. Et pour cause… 

L’ailier du Racing, parfois, se perd à grande vitesse. L’épisode tragicomique de la soirée d’Édimbourg témoigne de la jeunesse du bonhomme. Voilà pour l’extrasportif. Pour ce qui est du terrain, l’épilogue de la finale de Champions Cup contre le Leinster rappelle les déficiences dont il est parfois capable. Un exemple parmi d’autres. À l’Eden Park, deux actions résument toute sa jeune carrière. La première ? Impressionnante. Avec quinze mètres de retard, il a été capable de reprendre Rieko Ioane, avant que ce dernier ne parvienne à aplatir l’énième essai néo-zélandais. « C’est mon job de courir vite », commentera-t-il en conférence de presse. La seconde ? Désolante. En raison d’un placement hasardeux en défense, il s’est laissé surprendre par la vivacité de Cody Taylor, talonneur de son état. Welcome Docteur Teddy et Mister Thomas.

Une autonomie limitée 

À tout dire, face aux Blacks, on aurait aimé, nous aussi, le voir toucher un peu plus de ballons d’attaque pour sillonner l’Eden Park et frotter son talent à celui de Ben Smith ou encore Rieko Ioane. Au risque de choquer, sur le talent stricto-census, Teddy Thomas n’a probablement rien à leur envier. Sauf que, et c’est lui qui le dit : « Un match malheureusement, c’est quatre-vingts minutes, pas quarante. » Et qu’en termes d’inconstance, il sait de quoi il parle.

En seconde période, Teddy Thomas a disparu des radars, même les plus pointus, la faute à une conquête défaillante. Forcément, les Bleus ont défendu. Trop. Beaucoup trop pour l’ailier racingman, qui s’est perdu à plusieurs reprises au milieu des différents systèmes défensifs tricolores. « Effectivement, Teddy, quelques fois, n’a pas bien réagi en rentrant sur son intérieur, a reconnu le sélectionneur Jacques Brunel. Mais Rémy Grosso a fait pareil. » Et Brunel de défendre sa pépite : « C’est un ensemble à rectifier, pas seulement le fait d’un joueur. » 

Teddy Thomas n’est donc pas seul coupable aux yeux du sélectionneur. Pour Brunel, la défaillance est collective. Son unique faute serait de ne pas avoir su se fondre au sein d’un vaste mouvement défensif, à l’identité parfois obscure samedi dernier. Le staff tricolore laissant une grande liberté aux joueurs, ce sont ces derniers qui décident sur le terrain de l’option à privilégier selon les situations de jeu. Seulement, l’autonomie a ses limites et quand la vitesse des Blacks se fait plus rapide que la communication des Bleus, la catastrophe s’invite au rendez-vous. Et même le facteur X peut se retrouver à jouer un mauvais rôle dans une série B.

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