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Dans la tête de Mauricio Reggiardo, l'entraineur Agenais

Par Emilie Dudon
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    Dans la tête de Mauricio Reggiardo, l'entraineur Agenais
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En s’imposant au hameau, Agen a fait un immense pas vers le maintien. La concrétisation d’un long travail et d’une méthode, celle de l’entraîneur principal Mauricio Reggiardo. La voici.

Il est apparu le regard vague et les yeux rougis. Une demi-heure après la fin du match, Mauricio Reggiardo semblait encore abasourdi par la victoire de son équipe, la deuxième à l’extérieur cette saison, celle qui lui a probablement offert le maintien à Agen. La voix déjà vacillante devant les caméras de Canal + juste après la rencontre, l’entraîneur principal du SUALG était toujours bouleversé quand il s’est présenté en conférence de presse. Une émotion marquante, presque inhabituelle dans ce jeu professionnalisé et aseptisé qu’est devenu le rugby français. Alors nous l’avons rappelé dimanche matin, une fois l’émotion retombée, pour en parler. « Vous savez, la saison est longue, nous a-t-il doucement soufflé de son accent chantant. On travaille beaucoup depuis dix mois et demi, et on n’est pas loin d’atteindre notre objectif alors quand tu vois ton groupe aussi heureux, c’est touchant. »

« Je sais qu’antoine m’en veut à mort »

À deux journées du terme de la phase régulière, Agen ne peut plus terminer quatorzième et compte huit points d’avance (plus le goal-average particulier favorable) sur le treizième, Oyonnax. Autant dire que le maintien est assuré à 99 %. Ce n’était pourtant pas gagné. Dans notre traditionnel sondage du début de saison, onze entraîneurs (sur douze) avaient prédit que le SUALG serait bon dernier début mai. Actuellement onzième du classement, le club lot-et-garonnais s’est crânement joué de cette prophétie. « Je savais qu’on avait un groupe capable de se maintenir. Il fallait juste finir de le faire grandir et lui faire croire que c’était possible. » La vérité, c’est qu’Agen doit son tour de force à son technicien argentin. En grande partie en tout cas. La clé ?. Le fonctionnement mis en place par l’ancien pilier des Pumas. Il nous l’a expliqué en détail : « Le rugby n’a pas changé, il a juste évolué et il reste une histoire d’hommes. Nous avons décidé de mettre en place une méthode un peu particulière, basée sur la méritocratie, au-delà des hommes, des bulletins de paye et des palmarès. Ce n’est pas évident à appliquer dans le rugby pro, notamment pour les anciens. Il faut l’accepter alors il a fallu un temps de compréhension et d’adaptation. Mais j’ai la chance d’avoir des bons mecs dans mon groupe, qui ont mis leur ego de côté. Je pense à tous mes grands joueurs. Des mecs comme Akapusi Qera ou Flo Denos, je leur tire mon chapeau. Ils sont toujours restés positifs. Même Nani (Antoine Erbani, N.D.L.R.), qui est mon capitaine, s’y est plié quand il n’a pas joué certains matchs importants à domicile. » Futur Palois, Antoine Erbani n’a pas non plus joué samedi. Venu accompagner son équipe au Hameau, il s’est rongé les sangs en tribunes. Et a ravalé sa colère, aussi lourde fut-elle. Avec Mauricio Reggiardo, il n’y a jamais de cadeau : « C’était très dur de ne pas le faire jouer à Pau mais c’était notre choix avec Stéphane (Prosper). Je sais qu’il m’en veut à mort mais c’est mon rôle, assumait-il dimanche matin. À un moment donné, Nani a été en difficulté, il n’était plus indiscutable à son poste. Il est bien revenu, a fait un très gros match contre Oyonnax et malgré cette bonne performance, il n’a pas été aligné à Pau. Je comprends que cela ait été difficile à accepter pour lui mais j’ai voulu le protéger et je ne regrette pas cette décision. Je cherchais le meilleur pour le club et je sentais qu’il ne fallait pas qu’il joue. Il le comprendra peut-être un jour…»

L’amour du risque

Mauricio Reggiardo « apprend » encore chaque jour de son propre aveu. Refroidi par le non-match du futur Girondin George Tilsley face à l’UBB il y a un mois, il n’a pas répété son « erreur ». Affectif mais intraitable, c’est un homme de convictions. C’est pour ça qu’il est respecté de ses joueurs. Qu’il parvient à tirer le meilleur d’un groupe de gamins en qui personne ne croyait, d’un Januarie que certains auraient jugé hors de forme ou d’un gosse de 18 ans (Thomas Vincent), qui jouait en Fédérale 3 il y a quelques mois et a été excellent pour sa première titularisation lors du match le plus important de la saison. L’ancien Puma est aussi un homme de foi, aussi, qui a établi un projet de jeu et décidé de s’y tenir. Envers et contre tout : « Le rugby d’aujourd’hui est une remise en question permanente. J’essaie d’aller au bout de mes idées. Je ne veux surtout pas avoir de regrets. » En a-t-il, alors ? « J’ai commis pas mal d’erreurs, dans les compos par exemple. » On parle beaucoup de ses paris, souvent osés, parfois ratés. Force est de constater que beaucoup ont marché, à l’image du replacement de Facundo Bosch en troisième ligne contre l’USO. Pour les autres, il fait amende honorable : « On s’est parfois trompé mais quand tu vas au bout de tes convictions, tu es amené à prendre des risques. Il faut essayer de faire en sorte qu’ils soient maîtrisés un minimum. J’ai la chance de pouvoir m’appuyer sur un staff et des dirigeants qui sont à fond derrière moi. Il y a de la sérénité dans ce club. Tout le monde parle du petit Thomas Vincent qui a fait un super match mais pour aller le chercher, un tas de gens a beaucoup travaillé en amont. »

Samedi soir, Mauricio Reggiardo n’a « pas eu un mot » pour son équipe dans le vestiaire après le match. « Pas besoin, il y avait tellement de joie. » Ses larmes ont dit le reste… Au retour à Agen, il est allé, avec le reste du staff, boire un verre en ville avec son groupe. L’Argentin est rentré à 2 heures, quand ses joueurs sont partis célébrer leur exploit jusque tard dans la nuit. Dimanche matin, il avait déjà la tête au match contre Clermont, dans quinze jours. « Quand on est entraîneur, on savoure trois ou quatre minutes après le match puis on bascule immédiatement dans l’après. » Cette semaine de vacances n’en sera pas une pour lui. Il doit bosser son diplôme d’entraîneur et préparer la fin du championnat. Lui, souffler ? « Je ne peux pas. Ce sport, c’est ma vie. Quand je suis en vacances, ma vie tourne autour du rugby et ma famille tourne autour de moi. Mes proches me rendent les choses plus simples. De toute façon, j’aurais du mal à couper…

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