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René Bouscatel : c'était inéluctable

Par Jérémy Fadat
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    René Bouscatel : c'était inéluctable
Publié le Mis à jour
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Président de Toulouse d'octobre 1992 à juin 2017, il porte son regard sur l’évolution du marché des transferts.

Cela vous étonne-t-il de voir un joueur s’engager dans un club plus d’un an à l’avance ?

Pas du tout. C’est regrettable mais c’était une évolution inéluctable, liée aux nouvelles règles imposées par nos instances. Il y a 25 ans, le recrutement était limité à quelques éléments qui venaient compenser une déficience de notre formation sur des postes ou profils ciblés. Il n’y avait qu’une vingtaine de joueurs dans le groupe, plus quelques espoirs. Aujourd’hui, c’est quarante. Chez certains, il y a carrément trois équipes différentes. Et on nous impose un nombre de Jiff très important, d’où une concurrence de plus en plus grande sur le marché. Il y a trente clubs professionnels chez nous. Les joueurs et les agents profitent de ça en faisant circuler les CV longtemps avant la fin du contrat. Quand on sait par exemple que les Jiff sont très recherchés, surtout les meilleurs… À côté, pour les dirigeants de club, il faut aussi prévoir longtemps à l’avance le plan de succession des joueurs. Durant un temps, la LNR interdisait de communiquer avant avril, ce qui était hypocrite… Pas simplement hypocrite, mais inefficace. Entre agents, joueurs et autres, les choses se savent… Vous, journalistes, chassez ces informations. Ce n’est pas une critique, c’est normal. Dès lors que ces situations existent, je ne vois pas comment on pourrait empêcher les fuites.

Seriez-vous favorable à une période de mutation définie ?

On peut toujours dire qu’elle doit aller de telle date à telle date. Rien n’empêchera qu’un contact soit pris un an à l’avance et que des précontrats soient signés. La France représente 40 % des effectifs mondiaux des clubs pros, la concurrence est large et féroce. Que les joueurs en profitent, c’est légitime. Que les clubs aient besoin d’anticiper, c’est logique aussi.

Quelles sont les solutions ?

Je ne vois pas comment on pourrait revenir en arrière. Les dernières années ont prouvé que ce n’est pas en interdisant qu’on régule. Toute contrainte entraîne des conséquences secondaires non prévues alors qu’elles étaient prévisibles. La vérité, c’est qu’il y a beaucoup trop de joueurs professionnels en France. Or, il est vital pour les clubs de faire avec en prenant les devants, sinon vous vous retrouvez le bec dans l’eau avec le joueur ciblé qui a déjà signé ailleurs. La saison dernière, je travaillais sur l’actuelle et j’ai connu la situation d’un joueur (Facundo Isa, qui s’est engagé à Toulon, N.D.L.R.) qui m’a donné sa parole de venir. Dans les 24 heures, alors qu’on attendait son contrat signé, il a reçu les surenchères d’un ou deux autres clubs et il a changé d’opinion. J’avais prévenu et compris, il y a longtemps, les dérives qu’il pouvait y avoir. Les Jiff, le Salary Cap, on a voulu les mettre en place, sauf que cela a totalement dérégulé le marché. Certains clubs ont un pouvoir d’investissement inépuisable. Du coup, ils faussent tout. Je ne parle pas forcément de Jack Lorenzetti ou Thomas Savare.

Êtes-vous inquiet ?

Il y a d’autres dérives. Les joueurs sont par exemple chassés au sein des centres de formation. Cela oblige à avoir ces joueurs sous contrat très tôt. Nous sommes malheureusement dans une logique footballistique. Si on ne s’attaque pas aux problèmes là où ils sont vraiment…

En football, il existe la logique des rachats de contrats quand, au rugby, nous sommes dans une logique de mutation au moment des fins de contrats…

Ce le sera de moins en moins ! Je crois avoir vu qu’un club a racheté le contrat d’un joueur à qui il restait deux ans en Angleterre (Louis Picamoles, N.D.L.R.). Ou encore un joueur qui devait trois ans de contrat à son club mais qui est reparti en Afrique du Sud (Johan Goosen, N.D.L.R.) car un autre le voulait immédiatement. Ce sont des situations un peu ubuesques, mais c’est comme ça. Il faut s’adapter.

Mais êtes-vous opposé à l’idée d’entrer dans une logique généralisée de rachats de contrats ?

Cela entraîne une valorisation du joueur et je suis totalement contre. Une des spécificités du rugby, c’est de ne pas spéculer sur la personne et sa valeur. Il faut qu’on le respecte. Si on arrive à des indemnités systématiques de transferts, on perdra la culture de ce sport, à savoir la formation dans un club ou l’attachement à un maillot. Même si de moins en moins de garçons font leur carrière dans un même club. Mais quand on voit le niveau des sommes en jeu, il est normal que les joueurs se posent la question de rester ou de partir.

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