Abonnés

La boîte à JIFF

Par Marc Duzan
  • La boîte à JIFF
    La boîte à JIFF
Publié le Mis à jour
Partager :

Si au départ, l’idée était bonne, les centres de formation des clubs professionnels sont constellés d’étrangers et les «JIFF» sont montrés du doigt. Que faire pour revenir aux fondamentaux ? Comment protéger davantage les joueurs français et éviter les dérives ? 

Ainsi va la France. « Et à l’instant même où furent créés les Jiff, sourit cet élu fédéral, les clubs cherchèrent aussitôt un moyen de les contourner. » À l’origine, la loi était claire : un Jiff en est un dès lors qu’il compte trois ans de centre de formation derrière lui. On ne parle ici ni de nationalité, ni de droit du sol. On peut être turc, tchétchène, espagnol ou tonguien et être Jiff. On peut aussi s’appeler Jérôme Thion, avoir vu le jour à Senlis et ne pas épouser les critères du « Joueur issu des filières de formation », selon son appellation la plus barbare. Jean-Louis Caussinus, le président de l’Apare (Association des présidents d’association du rugby de l’élite), analyse : « J’ai tiré la sonnette d’alarme il y a deux ans. Les clubs recrutent aujourd’hui de très jeunes joueurs (dès 16 ou 18 ans, N.D.L.R.) à l’étranger et les intègrent alors à leurs centres de formation. » Au printemps 2016, le Stade français compte ainsi un Australien, deux Géorgiens et un Fidjien au sein de son académie ; Montpellier recense trois Sud-Africains et un Fidjien au cœur de cette même entité ; le Racing compte un deuxième ligne roumain et Brive plusieurs Mélanésiens. La palme ? Elle revient sans conteste à Clermont, qui recense deux Argentins, quatre Géorgiens, un Samoan, un Sud-Africain et deux Fidjiens dans sa pépinière. La magie opère et, passé trois ans, tous deviennent « Jiff », quand bien même l’essentiel de leur éducation rugbystique a été effectué dans leurs pays d’origine. Et tels Scott Spedding, Noa Nakaitaci ou Bernard Le Roux, les « Baby Boks » ou « Flying Fijian » de jadis ne pénalisent plus leurs employeurs, au moment où la LNR est censée distribuer les amendes et les bons points. Caussinus poursuit : « La situation est vraiment préoccupante. On est en alerte orange. D’ici peu, les Français n’auront plus le moindre accès aux centres de formation. Parce qu’il n’y a aucun garde-fou, chez les jeunes ! » Et de ce que l’on sache, on pourrait aujourd’hui aligner douze Géorgiens en Reichel et treize Canadiens en espoirs que l’on ne serait pas dans l’illégalité. Jean-Louis Caussinus, encore : « Ces joueurs sont également tous salariés des clubs. Pour remplir les conditions aux frontières et obtenir leur visa de travail, ils ont besoin de fiches de salaire. »

La quasi-disparition du sport scolaire et la raréfaction du bénévolat ont porté un coup fatal à la formation française telle qu’on la connut par le passé. Pour satisfaire leurs énormes besoins en chair à canon, les clubs se sont donc tournés vers les Eldorado d’Europe de l’Est (Géorgie, Roumanie) ou du grand Sud (Samoa, Tonga, Fidji). Mieux, un membre influent de la LNR nous confiait vendredi que les entités professionnelles du Top 14 et du Pro D2 n’hésitaient pas à falsifier de quelques mois les années de naissance des Iliens, comme le font parfois certains clubs de foot vis-à-vis de joueurs africains doués mais trop âgés pour intégrer les centres de formation européens. Mais le rugby « pro » n’est pourtant pas le seul à se tourner vers la facilité de ces nouveaux marchés : il y a quelques saisons, Lourdes (Fédérale 2) avait ainsi recruté cinq rugbymen roumains afin de constituer une équipe de Juniors Balandrade et s’éviter une rétrogradation dramatique…

La fédé réagit !

La formation coûte cher. Pour tenter d’aider les clubs à assumer ces coûts, la LNR a dernièrement partagé une manne de cinq millions d’euros entre les structures professionnelles du rugby français. « Le problème, conclut Jean-Louis Caussinus, c’est que certaines SASP ne jouent pas le jeu et ne reversent pas l’argent aux associations, créant ainsi des litiges. » Le serpent se mord la queue. Et dans le but de mettre fin aux abus, la FFR envisagerait prochainement de changer les critères des Jiff : ne serait alors considéré comme « Joueur issu des filières de formation » qu’un rugbyman ayant participé aux compétitions fédérales pendant deux saisons et avant ses 18 ans ! « Ça devient intéressant, assume cet autre membre de la LNR. La Cour européenne interdisant désormais aux clubs de recruter des joueurs mineurs (le Barça et le Real Madrid viennent d’être rappelés à l’ordre à ce sujet, N.D.L.R.), il sera pour les clubs impossible de contourner le problème. » Si une telle mesure était appliquée la saison prochaine, il n’y aurait par exemple plus que quarante-neuf étrangers autorisés à jouer dans le championnat de Fédérale 1, contre trois cent dix aujourd’hui.

Vous êtes hors-jeu !

Cet article est réservé aux abonnés.

Profitez de notre offre pour lire la suite.

Abonnement SANS ENGAGEMENT à partir de

0,99€ le premier mois

Je m'abonne
Voir les commentaires
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?