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Atonio, the Artist

Par Emilie Dudon
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Publié le Mis à jour
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Uini atonio est le pilier droit de La Rochelle. Un joueur révélé en ProD2, qui confirme cette saison en Top 14. Il n’en fallait pas plus pour que le staff de l’équipe de France confirmé son intérêt pour ce jeune néo-zélandais de 23 ans, en le sélectionnant. Midi Olympique n’avait pas attendu ses premiers pas en Bleus pour lui consacrer un portrait. C’était en fin d’année 2013, le 31 décembre. Depuis, le géant s’est imposé en équipe de France et l’on attend beaucoup de lui à l’aube du Mondial. Découverte d’un joueur surprenant.

«La sécurité est la plus grande ennemie des mortels. » Cette maxime, tirée de Macbeth, Uini Atonio la connaît par cœur. Au point de l’avoir appliquée à sa propre vie quand, à 21 ans, il a décidé de tout laisser derrière lui pour venir vivre à La Rochelle. Il a tout quitté. Son pays, sa famille, ses amis… et sa troupe de théâtre. Non conservé par les Counties Manukau de Tana Umaga, il jouait Shakespeare — et Macbeth, sa pièce favorite — pour « se faire un peu d’argent » quand Patrice Collazo est venu le chercher en Nouvelle-Zélande, en 2011. « Je faisais du théâtre depuis l’âge de 13 ans. J’adorais ça et je suis devenu acteur professionnel après avoir quitté l’école. Mais je considérais surtout cela comme un hobby. J’aime encore plus le rugby alors j’ai accepté la proposition du Stade rochelais. Mon contrat avec mon club venait juste de se terminer et il fallait que je saisisse l’occasion qui s’offrait à moi.»

Il m’a immédiatement tapé dans l’œil (...) Il avait des prédispositions exceptionnelles et comprenait plus vite que les autres. Je me suis dit que si je devenais un jour entraîneur, j’irais le chercher…»

«Disons que c’était le bon moment pour lui et pour moi», détaille Patrice Collazo qui a retourné ciel et terre pour dénicher cette pépite à l’autre bout du monde. L’entraîneur rochelais l’avait repéré quelques mois plus tôt, en 2010. Alors qu’il était encore au Racing-Metro, il avait affronté ce jeune Néo-Zélandais lors d’un match de rugby à 10 en ouverture du tournoi de Hong Kong. « Il m’a immédiatement tapé dans l’œil. Je n’ai pas mis une minute pour voir qu’il avait des prédispositions exceptionnelles et qu’il comprenait plus vite que les autres. Je me suis dit que si je devenais un jour entraîneur, j’irais le chercher…» Il a tenu parole. Après s’être engagé avec le Stade rochelais pour son premier contrat d’entraîneur, il s’est rapidement lancé à la recherche de ce Néo-Zélandais hors du commun. «Cela n’a pas été simple : je ne connaissais ni son nom, si son club. Mais je l’ai retrouvé grâce à mon réseau. Il a signé assez vite car il jouait peu dans son club. Il ne correspond pas aux standards néo-zélandais compte tenu de son gabarit. Là-bas, il passait plus de temps sur un vélo à essayer de perdre du poids que sur un terrain.»

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Saint-andré : « un très gros potentiel »

Une (très) bonne pioche. Deux ans et demi après son débarquement sur la côte atlantique, le jeune Néo-Zélandais a explosé. Au point d’être suivi de très près par le staff du XV de France. Philippe Saint-André le confiait dans nos colonnes vendredi : « Il n’est pas sélectionnable pour le prochain Tournoi des 6 Nations mais c’est un joueur dont on regarde attentivement l’évolution de carrière. Il est capitaine à La Rochelle, il a un très gros potentiel. » Un potentiel loin d’être totalement exploité selon Patrice Collazo, qui estime le joueur à seulement « 70 % de ses moyens » actuellement. Ce qui impressionne d’abord, c’est son gabarit (1,96 m, 152 kg). « Les joueurs d’une telle corpulence ne courent pas les rues », confirme Lylian Barthuel, kiné de La Rochelle et du XV de France. Le praticien a vu le joueur évoluer au fil des mois : « Il a changé de morphologie. Uini fait le même poids que quand il est arrivé mais il a une grande quantité de masse maigre aujourd’hui. Il est à 120 kg de masse musculaire. Il a tendance à grossir et doit encore perdre du poids mais il fait beaucoup d’efforts.»

Uini n’a pas eu une jeunesse facile et n’a jamais été aidé, contrairement à d’autres. Mais il a des valeurs.»

Uini Atonio n’est pas seulement une force de la nature. « C’est aussi un joueur très agile, assure son coéquipier et ami, le talonneur Benjamin Gélédan. Quand on fait des petits jeux d’adresse le lundi à l’entraînement, il ne fait jamais tomber un ballon.» «Ce n’est pas sur le plan technique qu’il a de la marge, complète son entraîneur. Les croisées, les chistéras, il sait les faire et il est meilleur que certains trois-quarts sur ce plan-là. C’est en mêlée, dans le jeu sans ballon, dans les déplacements, dans la constance de l’effort qu’il doit progresser. Je connais suffisamment Philippe (Saint-André, N.D.L.R.) et Yannick (Bru) pour savoir qu’ils le suivent avec intérêt mais il est très jeune pour un pilier droit et il lui reste encore beaucoup de travail. Il faut faire les choses dans l’ordre, surtout à son poste. S’il était appelé aujourd’hui en équipe de France, Uini ne serait pas prêt.» En attendant, le joueur bosse. Comme un fou. Et progresse vite. Il a surmonté les difficultés rencontrées en mêlée à son arrivée, puis celles liées aux nouvelles règles cette saison. «Je pensais qu’il allait plus en souffrir mais il s’est bien adapté, constate Collazo. C’est un garçon intelligent et qui réfléchit beaucoup. » Quelqu’un qui a la tête sur les épaules, surtout. « Je pense que cela vient de son enfance, reprend Benjamin Gélédan, qui a passé trois semaines chez son coéquipier, dans la banlieue d’Auckland, l’été dernier. Uini n’a pas eu une jeunesse facile et n’a jamais été aidé, contrairement à d’autres. Mais il a des valeurs, qu’il a notamment apprises quand il était au Wesley College (où ont été formés, entre autres, Jonah Lomu et Sitiveni Sivivatu).»

Les premiers pas d’un capitaine

Pour sa troisième saison à La Rochelle, Uini Atonio s’épanouit pleinement. Aidé à son arrivée par la famille de l’ancien centre du Stade rochelais Sefulu Gaugau, samoan comme lui, il s’est approprié la ville et le club. Si bien que le nouveau chouchou de Marcel-Deflandre est devenu, à tout juste 23 ans, le capitaine de son équipe. C’était à Albi en mai dernier. D’une voix douce, qui tranche avec sa carrure, le colosse se remémore dans un sourire : «C’était le dernier match avant la demi-finale à Pau et nous l’avions perdu, de même que la demie en suivant. Pas terrible pour un début. Quand les coachs m’ont annoncé la nouvelle, ça m’a rendu un peu nerveux. J’ai été très surpris, cela voulait dire qu’ils me faisaient vraiment confiance. D’ailleurs, j’oubliais parfois que j’étais capitaine au début. Quand il se passait un truc sur le terrain et que tout le monde me cherchait, j’arrivais en retard en disant: Ah oui, j’avais oublié que c’était moi !» Sa nomination faisait pourtant figure d’évidence pour Patrice Collazo : «Si nous avons décidé de lui donner ce rôle, c’est avant tout parce qu’il était indiscutable en termes de performances. Nous en avions longuement discuté avec lui et avec d’autres joueurs avant de prendre cette décision.» Et Uini Atonio est un capitaine ultra-respecté aujourd’hui. « D’abord parce qu’il est exemplaire sur le terrain, bien qu’il soit apprécié par tous les joueurs », éclaire Benjamin Gélédan. Le Néo-Zélandais peut d’ailleurs compter sur ses coéquipiers à tout moment : «Je sais qu’il y a des leaders dans cette équipe sur qui je peux m’appuyer, assure-t-il. Des mecs comme Djeb (Djebaïli), Cobus (Grobler), Jean-Philippe (Grandclaude) ou Loann (Goujon) me facilitent les choses. C’est comme s’il y avait cinq capitaines sur le terrain. »

C’était couru d’avance, les qualités de ce joueur d’exception ne sont pas passées inaperçues. S’il a prolongé avec l’ASR l’an dernier jusqu’en 2016, « Winnie l’Ourson » (c’est son surnom… et le tatouage qu’il arbore sur le torse !) intéresse les plus grands clubs de France et d’Europe. Clermont, Toulouse ou encore Castres ont montré leur intérêt et un coup de théâtre n’est pas à exclure avant le terme de son contrat. Lui-même l’avoue (bien que son contrat comporte une clause libératoire très conséquente) : «Je ne sais pas jusqu’à quand je vais rester à La Rochelle. Mais si je pars dans un autre club, je serai peut-être un second choix. Peut-être que je cirerai le banc à nouveau... Je me sens bien ici. J’ai du temps de jeu et c’est la meilleure des choses pour progresser.» «On verra bien ce qui se passera mais je ne vois pas l’intérêt de le libérer pour qu’il parte ailleurs s’il ne doit pas jouer, tranche, de son côté, Patrice Collazo. Si tous les voyants sont au vert, pourquoi pas ? Mais il y a un temps pour tout.» L’entraîneur tient à son joueur. Il entretient d‘ailleurs une relation « particulière » avec lui. «Uini a les défauts de son jeune âge et je suis un peu plus dur avec lui qu’avec les autres parce que je sais qu’il est capable de beaucoup plus.»

Pour l’instant, c’est sous le maillot de La Rochelle qu’il le démontre chaque week-end. «J’aime vivre ici, c’est une ville magnifique et les gens sont adorables. J’ai trouvé une deuxième famille». Et ça, ce n’est pas de la comédie.

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